Pour ou contre l’externalisation du Catering au sein de la Défense ?


Depuis plusieurs mois, les réflexions de l’Etat-major général de la Défense et du Cabinet du Ministre de la Défense vont bon train. Le but est de finaliser le plan stratégique et de s’assurer une majorité parlementaire. Il faut, donc, affiner les grandes idées et les rendre crédibles et surtout viables. Personne n’est contre un bon changement, n’aime rester dans le flou trop longtemps et surtout plus personne n’accepte le fait accompli. Pourtant, le politique continue à abuser de ce style avec les militaires.

Le Centre de Compétence de la formation appui Département Catering Belgo-néerlandais situé à Sainte-Croix (Bruges) vit, aujourd’hui, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Les réflexions sur son avenir vont bon train. L’une des idées qui prédomine pour l’heure est d’externaliser la formation des cuisiniers dans le milieu civil. Au premier abord, cette réflexion semble être une bonne piste pour faire des économies. Mais, si on y regarde de plus près, on peut constater que ce seront des économies de bouts de chandelles, voire un leurre économique. Il n’est nullement question de critiquer la démarche intellectuelle, mais, il est temps de comprendre où sont les intérêts des militaires.

La création des écoles pour cuisiniers et serveurs à la Défense remonte à juin 1945. Le Centre de Compétence de la formation appui Département Catering Belgo-Néerlandais est issu de la fusion de deux écoles. D’une part, l’Ecole Technique d’Alimentation de Peutie, de l’autre, l’Ecole de Commissariat Belgo-Néerlandais de Bruges. Avec la fusion, la partie “école binationale” quitte la Composante Marine pour rejoindre la Direction Générale Formation (DG Fmn). La mission du Département Catering BENL est la formation dans le domaine de l’HORECA (hôtel-restaurant-café). Cette formation est proposée au personnel appartenant à la Défense et au personnel de la Marine Royale néerlandaise. La capacité d’accueil annuelle du Département Catering BENL est de 250 élèves. Cette école est unique en Belgique. Elle est enviée par beaucoup de personnes. Il absurde de détruire ce montage de plus 70 ans ! Napoléon, lui-même disait que le moral du soldat passait par son ventre ! De plus, elle doit fêter ses 20 ans sous sa forme actuelle en juillet prochain.

La qualité de la formation délivrée au sein de la Défense est équivalente à celle des grandes écoles hôtelières du civil. Mais, là où la formation de cuisinier civil s’arrête, commence celle spécifique du militaire. Nos militaires doivent non seulement être bon cuisinier, mais également bon soldat, réparateur du matériel qu’il utilise, pompier en cas de feu et enfin très imaginatif pour nourrir un détachement ou un équipage en opération. Car, tout militaire, qui se respecte, sait éperdument bien qu’il partira en opérations. Une formation complémentaire ne s’improvise pas et le professionnalisme doit être de rigueur.

Tout le monde reconnaît, de nos jours, l’existence d’un lien étroit entre le comportement alimentaire (et donc du catering) et la condition physique du militaire. Il est d’autant plus vrai que pour la réalisation du programme MENUFIT, les conseils nutritionnels sont donnés à la fois par un nutritionniste et par un diététiste, les deux personnes qui gèrent le comportement alimentation-forme physique. Il serait donc ridicule d’incriminer uniquement le militaire pour un mauvais comportement alimentaire quotidien, si le cuisinier, lui-même, ignore ou n’a reçu aucune formation sur le sujet ? Imaginez un seul instant, qu’après une période intensive de 4 mois en opération, le militaire interrompe d’un coup son régime alimentaire correct faute d’une incohérence dans la gestion militaire. Tout profit serait perdu ! En outre, le Major Médecin Prof et le docteur S. Francque ont reconnu à plusieurs reprises durant des séances d’information qu’une très large partie des patients MENUFIT ont des problèmes nutritionnels à la base. La vraie question est donc : allons-nous permettre de continuer à nourrir nos militaires de façon déséquilibrée pour des raisons budgétaires ? Car l’externalisation du catering pose en premier lieu ce problème ? Allons-nous permettre une restauration externe soumise à la rentabilité d’une firme privée et qui pose un problème alimentaire pour le militaire dans l’exercice de son métier ?

En dehors de l’aspect purement Santé, il existe encore l’aspect opérationnel qui engendre également des problèmes d’exercice du métier spécifiques (cuisiner sur le terrain ou à bord d’un navire, faire face à un choix d’aliments limités, …) et l’aspect du contrôle alimentaire en milieu militaire. Le Centre de Compétence de la formation appui Département Catering Belgo-Néerlandais se porte entièrement garant du contrôle de la chaîne alimentaire afin que le cuisinier militaire puisse se concentrer seulement sur le catering lors d’une opération. Ne pas parvenir à assurer la sécurité alimentaire reviendrait à jouer avec la capacité opérationnelle de son unité. Inadmissible !

De nos jours, force est de constater que les firmes de l’HORECA engagées par des organismes militaires ne parviennent plus à assumer le cahier des charges. Au sein de notre Défense, l’exemple le plus récent et marquant est l’ERM : exit la firme privée et retour des militaires. Il faut savoir tirer les conclusions de son échec et s’en souvenir pour ne pas recommencer. Cette tentative n’a pas été concluante. Bon, ne tirons pas sur ceux qu’ils l’ont introduite, mais passons à autre chose. Ce qui a prévalu pour l’ERM, vaut pour la Défense entière.

Non seulement, il est relativement facile de quantifier les moyens devant être engagés, le nombre de personnes requis, les besoins en infrastructures nécessaires, mais nous devons le faire pour définir et viser une qualité maximale et constante dans le secteur du catering. Le personnel engagé sera soumis à des heures de travail flexibles. De plus, le cadre juridique légal en la matière existe déjà. Il ne reste donc que de définir le cadre budgétaire et les moyens à mettre en œuvre. Ensuite, il faut s’interdire de revenir sur ses engagements. Une politique de Catering central semblable à notre partenaire hollandais s’impose donc.

PRODef.be propose de maintenir sous sa forme actuelle le Centre de Compétence de la formation appui Département Catering Belgo-Néerlandais, mais en instaurant une politique de gestion unique pour le personnel et pour le matériel.